Libreville, le 27 août 1889 Chère petite sœur, Je suis un peu inquiet au sujet de vos santés à tous ; je voudrais vous voir délivrés de tous ces petits ennuis qui accompagnent l’enfance des mômes. Mais, en ce qui concerne Draguignan, je vous avoue que j’ai eu une vraie chagrin : il n’y avait pas pour moi une seule lettre au courrier ! Je vous j’ai seul reçu deux bonnes lettres, l’une du 28 juillet, l’autre du 2 août. Elles étaient, par distraction je pense, adressées à bord de la “Ville-de-Maranhão”, où je m’étais déjà embarqué depuis ce même 2 août. Je te sais, ma chère sœur Marie, de ta grande affection. Certes, il est probable que j’en aurai bien besoin dans quelques années. Mais je crois que tu as tort de prendre l’étrange affection qui me tient le cœur pour un peu de jalousie. Chercheur d’idéal, mais dans cet idéal même je mets mon désir suprême. En trouvant Marie sur mon chemin, un être (peut-être fort petit et fort ordinaire pour beaucoup) m’est apparu supérieur et charmant. Et, contrairement à ce qui m’était arrivé jusque-là, c’est mon corps qui a été pris le premier, puis le cœur est venu et l’est entier ! Prends dans la bibliothèque de ton cher Camille un livre à “chef-d’œuvre”, qu’on appelle les Contes Drolatiques.