Paris, le 5 mars 1893 9, rue Moncey Ma bien chère Marie, Je te remercie de ta bonne lettre du 27 février et des détails qu’elle contient au sujet des démarches de Léon. Depuis mon arrivée à Paris, j’ai tenu M. Jules Ferry au courant de toutes mes affaires ; il a donc entre les mains à cette heure tous les éléments nécessaires à une action décisive. M. Doumer est également dans le même cas. À l’occasion de son élection à la présidence du Sénat, j’ai envoyé à Jules Ferry une lettre de félicitations qui a dû concorder avec le télégramme de Léon. Et cependant rien ne me donne à penser que ces messieurs se remuent un peu. Comme je l’ai écrit à Léon dans le courant de la semaine, M. de Chavannes revient en France pour cause de santé (tous les journaux l’ont annoncé). J’ai bien peur que cet homme, que je tiens pour un universitaire et qui a brisé ma carrière de propos délibéré, ne fasse tout ce qu’il pourra pour entraver ma réintégration, surtout si personne ne lui montre les dents. Il y a cependant, grâce au Panama et aux élections prochaines, un désarroi prodigieux dans tous les services publics. La Compagnie manquera dans l’avenir, et les malheureux comme moi ne trouveront que des oreilles distraites. Je voudrais bien quitter Paris, mais tu comprendras que je ne le puis avant que tout cela soit fini d’une façon ou d’une autre. Quant aux projets matrimoniaux, j’ai bien peur qu’il faille encore les laisser de côté pour deux ou trois ans. Il est en effet probable, pour ne pas dire nécessaire, que dès que je serai nommé, je serai affecté à une nouvelle colonie pour laquelle je partirai dans un bref délai. De plus, il me paraît convenable de laisser le silence se faire sur toute cette affreuse histoire. J’ai besoin de me refaire, tu le comprendras sans peine. Comme il semble avoir été écrit, nous n’aurons jamais de chance. Voilà les Bourdon définitivement envoyés à Bauvais. La pauvre Henriette en est bien affectée. De reste, la pauvre gene encore bien fatiguée par ce déménagement. Votre bien dévoué frère, Jules Herbovy