Bord, Port de Toulon le 20 Juin 1889 “Albatros” Ma bien chère Marie, La suite te prouvera que j’ai eu le nez d’aller te trouver inopinément, et de surprendre M. Revel en toilette de matin. En arrivant à Toulon, je n’ai plus trouvé l’Albatros sur rade, mais bien dans le bassin de Castigneau. Nous partons pour… le Gabon dans 8 jours. C’est un voyage d’un mois pour y arriver en touchant à Oran et à Madère (sans doute). Je n’aurai pour mon compte que 8 mois à passer dans ce pays à peu près inconnu, habité par les Pahouins, cannibales et par les fièvres pernicieuses. Cependant je ne suis pas fâché d’aller goûter cette température spéciale, et j’espère bien en revenir entier, après de superbes chasses et en possession d’un congé de convalescence de deux à trois mois. Comme tu le comprends sans peine, j’ai beaucoup de travail et l’obsession du départ. Cependant je vous écrirai une longue lettre vous donnant toutes les indications nécessaires pour la correspondance. Il est inutile que je vous redise de vos bontés à tous pendant les 8 jours que j’ai passés à Lyon. J’espère un jour pouvoir vous revoir aussi en compagnie de ma femme et d’un ou plusieurs bébés. J’ai reçu aujourd’hui une lettre de papa qui a appris la nouvelle par un journal de Paris, avant moi. Demain j’écrirai à Émile et à Henriette ainsi qu’à mon oncle et à Justin. Tous les miens auront donc mes adieux. Je vous embrasse tous de tout mon cœur, mes respects à Mme Revel et Clavière, à mes cousins et cousines. Ton frère dévoué et affectueux, Gaston Balay