Toulon, le 27 Août 1886 16 rue Saint-Roch Ma bien chère Marie, Il ne faut pas m’en vouloir si je ne t’ai pas écrit avant aujourd’hui. J’ai été très occupé par les nombreux travaux de l’armement du “Indomptable”, et de plus il faut bien tout dire (et je vois d’ici Maman Revel sourire), la vie de Toulon est si agitée que ceux qui l’ont perdue de vue longtemps, comme moi, sont absolument débordés et pensent à tout autre chose qu’à écrire des lettres. Et puis, pour finir, tout cela passe, et l’on se retrouve gros Jean… Ma sœur, je suis un grand sot et j’ai peur de ne jamais être sérieux. Quel siècle étrange que le nôtre, et comme notre vie est courte ! J’ai vu Henriette, Louis et Amélie à leur passage à Toulon. Tous très contents de se revoir, mais la maman et la fille bien fatiguées de leur nuit en wagon. D’ici à quelques jours j’irai visiter leur installation à Draguignan. L’armement se croise très lentement, je ne pense pas que nous soyons en rade avant le 29 septembre, et partis avant le 8 ou 10 octobre. Nous arrêterons-nous en Algérie ? C’est peu probable. Notre seule escale avant la Martinique sera Cadix ou Madère probablement. On nous promet une fort belle campagne, et, à l’avenir, d’ailleurs assez brève. Le commandant et l’État-Major semblent bien disposés. J’ai mis logs salon, mes désirs, notre carré est très-beau, bref, il n’y a qu’à prier le bon Dieu qu’Il nous protège toujours. Au commandement aux vents et à la mer, à tout, confiance tranquille de repos en Lui ! Au revoir, chère petite sœur, chère Camille et nos deux nièces, embrasse pour moi les petites Boudons et tous les grands parents. Mes amitiés aux cousins. N’oubliez pas mes cravates, cher beau-frère. Votre dévoué, Gaston Balay