Libreville, le 3 décembre 1889 Ma bien chère Marie, Je profite d’une occasion pour t’envoyer un bon baiser et vous remercier de votre bienveillante obligeance. J’ai reçu votre petit colis, je vous remercie, j’ai écrit à Louis de vous rembourser. Au reçu de cette lettre, envoyez-moi encore 4 flacons d’eau dentifrice, où je fais une grande consommation. Mais examinez si vous ne pouvez me les envoyer par la poste, cela mettrait chacun à petit prix. J’ai écrit à Louis de m’envoyer une douzaine de serviettes de Draguignan en cinq petits paquets. Je suis heureux de voir que vous êtes tous bien portants. Hier, j’ai fait une promenade sur une herbe rase, douce et d’un vert tendre, qui rappelle absolument vos belles pelouses du Parc de la Tête d’Or. C’était un petit bouquet d’arbres, les palmiers, le gigantesque bombax (vulgo fromager), tout cela enfoui et couvert de lianes de cent espèces, aux fleurs rouges, jaunes, blanches, quelquefois d’une odeur exquise, toutes en général énormes. J’ai eu envie sur un sentier, qui serpente, disparaissant brusquement, puis s’épanouit de nouveau surveillé par des négresses, leur pipe aux dents. Si ce pays était sain, ce serait grâce à sa fertilité et à sa beauté un véritable paradis. Ses habitants le gâtent également, car ce sont des fripouilles voleurs et sans morale aucune. Plus ils sont civilisés, plus mauvais ils sont. Je suis pressé par le courrier à capter qui part le 22 ; je termine ce bavardage. Mais je vous recommande de nouveau ardemment : 1° des démarches sérieuses et actives ; 2° mon envoi d’eau dentifrice. Je vous embrasse de tout mon cœur, grands et petits, ma filleule, Mimi, Jean et Henry, et me dis Votre dévoué, Gaston Balay Priez pour moi.