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Lettre du 22 février 1884
Lieu : Brest
Date : 22 février 1884
Ma chère Marie,
Je n’ai pu répondre plus tôt à ta petite lettre, étant jusqu’à ce jour dans les embarras du retour. En effet, tout en ce monde a une fin, et cette permission devait comme toutes les bonnes choses aboutir à un déchirement. Je ne te dirai pas l’ennui avec lequel j’ai quitté cette petite ville de Viroit où je laissais, pour bien longtemps sans doute, des êtres qui me sont chers.
Il est une chose déjà de remarquer que, plus je prends de l’âge, plus ces séparations me coûtent, tant il est vrai que la famille a des charmes qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. Enfin, il faut être philosophe et savoir attendre. Néanmoins, je regrette de ne pouvoir, rentier insouciant, passer ma vie à mon foyer, respirer l’air de la campagne en compagnie d’une femme chérie ou d’un travail soutenu, plutôt convenant parfaitement à mes goûts.
Ce qui m’a fait plaisir, c’est la bonne santé et la bonne harmonie que respirent tous ces petits coins de Lyon. Henriette y joue un vrai saint rôle, une bonne mère de famille, et elle a le charme de tomber sur une domesticité tellement active et propre. Avec sauf les cris des petits diabolitons, on pourrait prendre sa maison de retraite.
Que de surprises que, surtout à la vie de café et de bruit que la mienne me force à supporter, cette paix délicieuse au-dessus de toutes les ambitions que peut offrir une carrière. Enfin bientôt aura changé ce vie, bientôt je m’en irai dans des pays extraordinaires, demander à des latitudes lointaines de nouveaux secrets et des révélations inconnues. N’y est-ce pas une occupation sérieuse et sensible que celle de voyager, observant des faits et classifiant des idées. Je pars pour embarquer vers le 10 mars sur l’“Albatros” pour la Cochinchine.
Adieu ma chère Marie, je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que Camille. Présente mes amitiés respectueuses à MM. Revel et Claviou. Bien des choses à mes cousins.
Ton frère dévoué,
Jules Berloy