Add transcriptions of letters from Jules Herbovy (1893-1895)

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Libreville, le 27 août 1889
Cherché dans ce livre une histoire intitulée “Le Succube”, ou à peu près, et tu auras mon cas.
Cette aventure mest arrivée déjà une fois; mais à une époque où mes sens en éclosion pouvaient, dans ma nature un peu féminine,
se tromper dans la voie que leur traçait mon cœur. Je ninsisterai pas: citer un nom que tu connais, ne changerait rien au passé;
remuer des cendres pour y retrouver quelques impressions étranges qui ne sont que des songes, ne servirait quà constater que nous avons vieilli…
Jaime Marie comme jai aimé follement mon amie dadolescence. Je laime avec toutes les forces de mon être, et si je trouve en moi quelque chose de bon, bénissons Dieu de mavoir fait ce que je crois que je le dois à cette enfant.
À notre époque sceptique, à travers les mille blessures morales que ma faites ce siècle, si je me suis senti tout dun coup relevé et purifié,
crois que tu dois, sœur chérie, bénir la destinée réunie au champ des morts! Merci, je tai donné toute mon existence pour cela.
Oui, cette pensée sur mon âme est venue quelquefois, dans des heures de nuit, sans sommeil: Marie ne vivra pas. Soit, je laimerai dans ma passion légitime, une affection vraie me venant au cœur avec cette idée fixe…
Au milieu des malheurs, le pauvre ne ment pas! Si la tombe de Marie devait la renfermer dans sa virginité, ne serait-ce pas déjà pour moi une sorte de bonheur!
Voilà, ma bien-aimée sœur, à quoi je me suis surpris à penser, et alors je me suis expliqué pourquoi certains crimes sétaient commis!
Cette passion est devenue victorieuse comme lautre; elle lest à point, parce quelle est soutenue par la volonté dun homme. Mais, jai appris peu à peu à mépriser tellement lhomme que cette contemplation ma donné sur moi-même un grand empire. Au malheur, surtout à celui que jappellerai fatal, joppose la résignation.
Tu vois, chère Marie, combien je vis en double; dès lâge de 15 ans, je me suis habitué à mener presque continuellement de front deux idées: lune de la vie pratique et journalière, lautre du rêve de linstant amoureuse ou musicale, souvent lune et lautre à la fois.
Laisse faire Dieu, chère sœur, jai une foi profonde. Nessaye pas de la saper; mon affection pour la blonde enfant une fois éteinte, que me restera-t-il sur terre? Chaque fois que je pense à cette solitude possible, je pleure. Pourquoi donc vouloir menlever ma seule joie, mon seul but, celui grand auquel je pense à Dieu! Ne veut-il pas lui-même vivre avec un époux au cœur, même doit-il être un jour Dieu! que de raisons!
Une existence pour laquelle je ne trouve pas dexpression… Espoir et vouloir: pour nous tout est là. Et si je dois être malheureux, je le serai bien assez tôt.
Ne sachant pas dune manière technique quelles peuvent être pour notre chère Henriette, les suites de son accident, tes écrits me laissent inquiet. Tu sais que jaime beaucoup notre sœur aimée, dans laquelle je vois une mère, avec un cœur si beau et si tranquille. Que son cœur devienne définitivement heureux.
Si, par hasard, pendant votre réunion de Draguignan, il arrivait quHenriette, qui a certainement compris que jaimais sa fille, te parlât de cela dune façon quelconque, tu dois me le dire. Mais je pense que tu dois être muette comme la tombe de Henriette; ne te dis rien.
Je suis heureux de voir que ton mari et tes enfants vont à ton gré; je les embrasse bien fort de tout mon cœur. Priez tous pour moi.
Je suis triste parce que je nentends parler de rien pour une nomination. Jai bientôt 30 ans!
Je tembrasse, ton dévoué petit Jules.