Add transcriptions of letters from Jules Herbovy (1893-1895)

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La Bourboule-les-Bains
Grand Hôtel de Paris
le 11 Juin 1891
Ma très chère Marie,
Jai reçu ta petite lettre hier soir dans mon lit, car on ne veille guère dans cet horrible pays visité obstinément par le froid et la pluie. Merci de ton affection, cher cœur ; tu ne peux savoir combien elle mest chère et combien je prie Dieu quil te rende en bonheur, à toi et à toute ta chère maison, cette amoureuse bénie que tu me fais dune parcelle de ton affection fraternelle.
Je sais que Léon ne poste de lintérêt, mais je pense que souvent il perd la bonne occasion en laissant passer le temps opportun. Maintenant, il faut agir et voici pourquoi :
1° Pour ce qui est de la réponse de M. de Brazza, elle a dû arriver par le courrier qui est arrivé à Bordeaux le 6 ou le 7 du mois courant. Cette réponse ne concernait dailleurs que la nomination à la 1ère classe et na rien à voir avec mon changement de Colonie, qui dépend uniquement de M. Etienne. De là on attend ; voici ce que va se passer :
2° M. de Chavannes a quitté hier soir Marseille par le Sénégal pour Libreville. M. de Brazza va donc rentrer incessamment en France ; il y sera, jen suis convaincu, à la fin du mois prochain.
Vous voyez que je suis bien renseigné. Or, M. de Brazza sopposera de toutes ses forces à ce que lon menlève du Congo français. De cela je suis certain. Cest très flatteur, mais cest très égoïste. Javoue, quant à moi, que jen ai assez de cette Colonie, et que je dois mettre tout en œuvre pour en sortir.
3° La conclusion, cest quil faut que je sois attaché à une Colonie sainement, pendant le moment où il y a en France, ni M. de Chavannes qui ne maime pas, ni M. de Brazza qui maime trop à sa façon.
4° La chose précise à obtenir, cest celle que jai demandée à M. Etienne par lettre du 24 juin dernier : être désigné pour une des Colonies suivantes : Établissements français de lInde, Dépendances de la Colonie de Tahiti, Nouvelle-Calédonie. Dans tous les cas, une Colonie saine.
Je crois que tout cela est très clair, et très réfléchi, sans emballement. Puisque M. Etienne na pas encore répondu à ma demande, il serait naturel que le sens de cette demande que jexpose au paragraphe précédent fût soutenu énergiquement dès maintenant. Autrement, tel que je connais de Brazza, il mettra en parallèle ma nomination en 1ère classe et mon attachement définitif à sa Colonie : or, je le répète, jen ai assez.
Il se peut dailleurs que M. de Brazza ait envoyé une réponse favorable à ma nomination à la 1ère classe, mais je ne puis le savoir. Seul, le Chef du Cabinet de M. Etienne le sait, mais on a lair rarement pressé dans cette bonne administration centrale ; tu te rappelles combien de temps jai attendu ma prolongation de congé !
Dans tous les cas, et surtout si je veux sérieusement penser à me marier en France, il est nécessaire que mon rattachement à une Colonie saine soit chose faite. Tant que je serai Congolais, je ne suis de nulle part : cela est absolument indiscutable.
Dans ma lettre précédente, je disais que tout ce que javais souffert navait pas été connu de qui de droit. Je le répète ici. Jajoute que je reste toujours dans cette situation que certains trouveraient quelque peu digne sinon unique. De toute cette campagne, il ressort pour moi une diminution de solde de 1000 f, et, comme assimilation hiérarchique, je suis dans la même situation quau 1er décembre 1888, jour de ma nomination au grade de secrétaire particulier de M. de Brazza : voilà la reconnaissance du travail donné, elle est à toucher du doigt.
Je ne serais pas fâché que mon cher cousin Léon lût cette lettre ; il comprendrait sûrement que je ne sois pas gai à certaines heures. Il souhaite beaucoup pour moi de ces heures, hélas ! car je suis très seul.
« Time is money », je conclus ainsi, et je me recommande à votre bonne amitié, en vous embrassant tous de tout mon cœur. Bonjour à ces dames et à tous nos parents.
Votre dévoué,
Jules Greslou