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MrRaph_ 6cbd99eac4 Add transcriptions of letters from Jules Herbovy (1893-1895)
- Created new files for letters dated from February 16, 1893 to January 19, 1895.
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Lorient, le 3 mai 1886
109, rue du Port
Ma chère sœur, mon cher frère et ami,
Je suis arrivé à Lorient le 1er mai à sept heures du matin, après 49 jours de traversée, ayant quitté
Libreville le 13 mars. Je navais reçu encore aucune lettre de toutes celles que vous mavez écrites. Aussi,
à peine à terre, jenvoyai à Paris le télégramme suivant:
“Arrivé bien portant; embrasse.”
Jétais content, heureux de toucher le sol de ma France après 10 mois déloignement; je formais mille projets
heureux, ne pouvant quitter Lorient avant le mois de juin, à cause du désarmement de “lAlbatros”, je pensais partager mon congé entre les trois villes qui se disaient meur affectueuses, les seules! Paris, Lyon et Niort; jattendais le moment où je pourrais serrer dans mes bras ce père chéri, cet homme juste, le modèle du cœur qui se dévoue et de lintelligence qui croit; je croyais déjà la joie de me voir échappé presque sain et sauf du terrible climat, je me représentais le promenant dans Paris bien app...
Je revenais à bord à lheure de laprès-midi, lofficier de quart, Bervant, me dit: “le commandant vous demande”; je croyais à une affaire de service: hélas! hélas! cétait la septième lettre dHenriette! Il y avait près de trois mois que mon papa chéri, mon auteur, mon créateur après Dieu, reposait sous la garde et les bienfaits fortunés de notre Seigneur Jésus! Je ne le reverrai plus sur la terre, précieuse mémoire que jai quittée tout seul, dans lépanouissement dun rêve tranquille et la réalisation...
Lui qui avait tant aimé les hommes, ses frères, et parmi ceux-là, les enfants quil avait engendrés sous la protection divine, en les consacrant à cette religion du Verbe incarné que je professe et dans laquelle je veux mourir comme lui; lui qui sacrifia sa vie pour la patrie, son bonheur à son Dieu, et la tranquillité de ses vieux jours à ses petits; le voilà parti modestement, et nous donnant jusque dans le dévouement de sa fin une dernière et grande leçon: celle de la conscience tranquille et toujours...
Merci, chère Marie, cher Camille, comme Henriette et Louis, vous mouvrez vos bras et vous mappelez votre enfant; songez-vous que je my précipiterai et que je chercherai auprès de vous les consolations et les enseignements que mon père chéri ne cessait de me prodiguer. Chez vous je me sentirai toujours chez moi et vos deux familles me seront aussi chères que si des liens de parenté munissaient à elles. Comptez toujours sur mon dévouement, comme jai le droit descompter le vôtre. Par cette union plus ...
Cette religion que nous tenons toujours dans le fond de nos cœurs, cet amour du bien et de la justice, apanages des esprits marqués du cachet de vie, tout ce que vous nous de bon a nous, en un mot, nous lui devons tout cela; nous avons aimé et cest avec fierté que je porte son nom vénéré. Après cela tâchons de ne pas nous présenter les mains vides devant le souverain Juge qui nous fait naître dun tel père!
Il ne faut pas compter sur moi avant un certain temps: le désarmement dun bâtiment est une affaire dun mois, un mois pour le Commissaire du bord… Enfin il viendra tout de même ce temps où je pourrai retrouver en vous le sang de celui que nous ne verrons plus ici-bas! Et alors, comme nous parlerons de lui! Comme nous vivrons du culte des souvenirs!
Allons, chère blondine ma sœur bien-aimée, du courage et pense bien à tes deux petits enfants dont le jeune âge naime pas la douleur.
Cher Camille, je vous embrasse ainsi que Madame votre mère. Mes amitiés respectueuses à Madame Claron.
Votre dévoué,
Jules Barloy