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MrRaph_ 6cbd99eac4 Add transcriptions of letters from Jules Herbovy (1893-1895)
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La Bourboule-les-Bains, le 8 Juin 1891 Grand Hôtel de Paris

Ma très chère Marie,

Jai eu ce matin une longue consultation de mon médecin, le Dr Michel, la seconde. Le brave homme nest pas rassurant : il trouve ma rate énorme puisquelle me fait souffrir jusquau bas de la colonne vertébrale ; il semble surtout inquiet de mes deux oreilles : après examen minutieux à la lumière électrique, il ma déclaré que je pourrais devenir irrémédiablement sourd, si mes tympans ne montraient pas une amélioration notable dans quelque temps. Ma gorge, mon pharynx demandent aussi un traitement compliqué ; bref il paraît que jai été profondément touché. Je men étais bien douté entre nous, et je ne me suis pas trouvé récompensé par mon pays, cest que javais de sérieuses raisons de le penser. Il est regrettable que certains ne laient pas compris…

Je vous serais donc reconnaissant de faire comprendre à Léon que sil pouvait mobtenir un changement de Colonie pour une Colonie dun climat le plus sain possible, je pense quil me rendrait un service réel. Le docteur ma dit en face : « Je suppose que vous navez pas lintention de retourner dans ce pays ce serait une folie ! » Il ma dailleurs déclaré quil me donnerait en fin de saison un certificat destiné à éclairer qui de droit sur ma véritable situation. Quand je songe que ce médecin, membre du Conseil supérieur de santé, nait pas fait droit à ma demande pressante dêtre exempté par corps ! En somme, je suis bien malheureusement en dehors de la satisfaction du nouveau tout ce que jai souffert, et la reconnaissance ne ma apporté aucune compensation. Je tiens à ce que tout le monde le sache, et mon unique orgueil, que vous avez le droit, je crois, de faire, en mon absence, est davoir bien servi mon pays.

Il fallait pourtant que je vous dise tout ce que je pense, ma chère sœur Marie, eh bien ! je crois que le moral est beaucoup plus atteint que le physique. Je suis trop seul, trop livré à mes tristes pensées. Si cela continue, je ne sais ce qui arrivera. Dieu soit béni toutefois, je fais la part de lexagération. Ce docteur que je ne connais pas en homme, peut bien avoir augmenté mon mal fictivement pour être ensuite regardé comme un vrai sauveur. Cest pour cela que vous ne devez pas vous effrayer ; cela ne servirait à rien.

Je pense cependant que vous devez souhaiter avec moi deux choses : pour le corps, une destination plus saine ; pour lâme surtout, un aliment pour le cœur.

Mais je suis bien un égoïste, un vieux garçon déjà je ne parle que de moi ; et tes enfants, commencent-ils à se remettre de leur maladie ? Ma filleule est-elle tirée daffaire ? Comme la pauvre maman doit être fatiguée ! Et avec cela, si vous avez le même temps qui nous poursuit ici sans relâche, je vous plains de tout mon cœur. Orages, pluies continuelles, froid, humidité, tout conspire pour empêcher de respirer un bon air, pour rendre impossibles les promenades. Nous voici cependant à la porte de lété : mais le temps semble une vraie patraque comme votre pauvre…

Camille aurait-il la complaisance de menvoyer : 1° les 2 calques qui contiennent ma dernière exploration ; 2° un calque pour les copies ; 3° une carte manuscrite, contenue dans les dossiers, et représentant grossièrement mon itinéraire de Lastourville à Samba, avec les noms de peuplades au crayon bleu. Cela me créera une occupation pour les jours de pluie. Le tout bien entendu, sous pli recommandé.

Jai reçu une lettre dHenriette qui me dit que son mari a reçu son autorisation pour Paris. Mais elle ne me dit pas ce quelle compte faire de ses deux aînés, ni à quelle époque ils partiront.

Allons, chère Marie, il faut interrompre mon bavardage. Écris-moi souvent et annonce-moi le plus de bonnes choses possibles.

Je vous embrasse tous, grands et petits, de tout mon cœur. Mes amitiés à ces dames et bonjour aux cousins. Bonjour aussi à M. Petit et Rodet.

Ton dévoué : Jules Greslou