- Created new files for letters dated from February 16, 1893 to January 19, 1895. - Included personal updates, health concerns, and family matters. - Highlighted ongoing issues related to professional reinstatement and administrative challenges.
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Libreville, le 10 octobre 1889
Ma chère sœur Marie,
J’attends avec impatience une bonne lettre de toi, car ta dernière était datée du 28 août, ce qui commence à être lointain. J’ai su, par une lettre d’Henriette du 2 septembre que vos santés à tous étaient excellentes, et que vous étiez revenus enchantés de votre voyage en Suisse. Car c’était vraiment une veine pour vous de vous trouver là-bas au moment de la Fête des Vignerons; d’après les journaux les fêtes ont été superbes, on a dû vider quelques bouteilles de vin blanc! Car c’est là le défaut de ces gens cependant que l’on pense une partie vis-à-vis de moi. Je ne veux rester ainsi longtemps dans le Provisoire, exécute un titre de Chef d’Exploration, très-fantaisiste puisque, malgré ma bonne volonté, je ne possède pas les qualités techniques pour le rendre utile. Je ne puis dire que je sois mal comme Chef de Secrétariat de M. de Charannes. Mais enfin, ces fonctions d’archives et de paperasses m’ennuient, et de plus, je ne suis qu’un intérim…
Il serait donc à désirer que je reçoive enfin une nomination comme Administrateur Colonial de 1ère classe, ce qui permettrait de m’employer ailleurs au service actif des Résidences, ce qu’on ne peut faire tant que je ne posséderai pas le titre officiel nécessaire.
Maintenant que la brouhaha des élections est passé, il me semble que l’on pourrait un peu s’occuper de moi. Léon continue à y apporter autant de désintéressement, Camille ne pourrait-il se servir d’un autre intermédiaire? Je vous avoue que je suis las d’attendre, et ce qui me fait courage, c’est que maintenant vous êtes là au bon moment. Voyez donc s’il n’y aurait pas moyen de faire pour moi quelque chose de sérieux. Si vous obtenez un bon résultat prompt et assuré, ne regardez pas à un voyage d’État aux Colonies. Ceci est très-important parce qu’on n’est pas obligé de passer par de Brazza, qui d’ailleurs doit être très-bien réprimé prochainement.
J’apprends à l’instant les résultats définitifs des élections; je les trouve satisfaisants. Je vous avoue plaisir que ce pantin d’Audrieux a été blackboulé. Donc, nous avons triomphé d’une coalition idiote et méchante; tout est pour le mieux, la République a la part belle pour pratiquer l’apaisement. Elle devra s’asseoir sur la minorité.
Ces résultats rendront très-faciles les démarches que Léon pourrait faire pour moi. Je lui ai écrit un mot.
11 octobre 1889
Quand vous recevrez ma lettre, Lyon commencera à se couvrir de brouillards. Les petits seront chaudement couverts, et ma Nièce aura peut-être le bout du nez rouge. Remontrance importante; défiez-vous des chorobeski. Comment est ma cousine Octavie? Elle doit être à présent revenue à Lyon au grand contentement de son mari. Que vous font toi et Camille des excursions en Forézienne autour du Chalet, n’est-ce pas que c’est joli? À te remarquer les petites villas, l’une au mois, qui sont sous le château des Crêts, au bord du lac. Quels nids pour une lune de miel? J’espère que Justin ne voudra pas se retirer des affaires de Rouen? Quand tu iras à Fourvière ou dans une église, tu mettras parfois un cierge pour moi, reste en toujours deux, il faut intéresser la Sainte Vierge à mon bonheur.
Je remercie Camille de la régularité avec laquelle il m’expédie le Temps. Henriette m’a écrit qu’on pouvait envoyer des colis postaux; vous pourrez donc m’envoyer ce que je vous ai demandé dans ma lettre précédente, surtout des souliers des P.P. Henriettains.
Nous mangeons actuellement assez de légumes, rations des chasseurs. Les Conserves n’apparaîtront jamais sur cette table, en souvenir depuis 1885. Libreville a rétabli, grâce à la…
J’ai lu dans les journaux qu’un grand incendie avait éclaté à Madrid, beaucoup de tocs revenant à Lyon. Je pense que la maison Atrum n’a pas fait de gestes à cette occasion.
Réponds-moi au sujet de votre changement de logement; que je sache où vous nicher quand je reviendrai vous voir. Inutile de vous demander de réserver un petit cabinet pour moi; il faudra bien que vous m’hébergiez encore quelques fois.
Quand tu recevras ma lettre, vous aurez déjà allumé un peu, dont les fourneaux et avec les doubles fenêtres. Je ne suis pas avec vous la Noël, mais il faut bien remettre avec calme ce qu’on ne peut empêcher.
Vous déciderez-vous à envoyer Henri à l’école, ce serait pour vous quelques instants de repos. L’essentiel est de bien choisir, selon votre condition sociale et les goûts de Camille. Comment va cette pauvre Mme Clavière? Pensez-vous faire encore maison commune? Ce sera pour vous une charge qui deviendra plus lourde à mesure que la pauvre ira en déclinant. Et la maison de Vienne marche-t-elle mieux en gré de vos désirs? Je vous pose toutes ces questions, parce que je m’intéresse beaucoup à votre situation matérielle, et je désire avec ferveur que possible…
Je pense que Camille te fera peut-être entendre cet hiver quelques beautés musicales: si l’on joue le Roi d’Ys ou Esclarmonde, ne manquez pas d’y aller, mais pas une seule fois; parce que vous n’y comprendriez rien.
Chère sœur, j’ai reçu par le courrier du 2 septembre, une lettre d’Henriette, qui en contenait deux autres, parmi lesquelles une petite blondinette charmante, pleine d’esprit et de cœur. Comme elle grandit cette chérie, cette blondine, comme on sent que la femme perce déjà sous l’enfant. Cela m’a fait grande joie au cœur, et m’a tout ragaillardi.
Car je venais d’avoir un gros accès de fièvre, avec sorte de délire, et il a fallu trois jours de purgations pour arriver à chasser tout cela. Je me porte admirablement à présent, et me régale avec de l’eau de Vichy. Inutile de parler de cela.
J’ai donc eu un vrai bonheur, et j’ai remercié Dieu qui est bon.
Ce sera difficile, chère sœur, mais beaucoup moins qu’on le pourrait croire. Si ma santé se maintient bonne, mon corps restera jeune comme mon cœur. Dans tous les cas, cette enfant me possède tout entier; c’est peut-être pour moi une sauvegarde, et j’en remercie le Ciel.
Quelque chose m’ennuie c’est le silence qu’on garde vis-à-vis de moi à Paris. Je suppose qu’il faudra fréquenter des paquebots de récits plus gros. Mais la vie est relativement chère; ainsi, je touche par mois 650.00 de solde et je suis logé. Eh bien! Je ne puis guère envoyer en France que 350.00 par mois. Dans l’Intérieur, je toucherais seulement 550, et j’enverrais au moins 450.00 par mois. Ça viendra bientôt, j’espère; ce n’est que pour cela que je suis venu ici.
M. de Charannes est malade depuis quelques jours; son moral s’affecte très-facilement. Je n’attends pas M. de Brazza avant 6 mois, et encore.
Je vous embrasse tous grands et petits, jeunes et vieux, de tout mon cœur. Écrivez-moi longuement. Je compte sur vous pour les démarches actives et sérieuses dont je vous ai parlé en commençant.
Mille baisers. Je vous donne de tout cœur.