- Created new files for letters dated from February 16, 1893 to January 19, 1895. - Included personal updates, health concerns, and family matters. - Highlighted ongoing issues related to professional reinstatement and administrative challenges.
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La Bourboule-les-Bains
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Grand Hôtel de Paris
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le 11 Juin 1891
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Ma très chère Marie,
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J’ai reçu ta petite lettre hier soir dans mon lit, car on ne veille guère dans cet horrible pays visité obstinément par le froid et la pluie. Merci de ton affection, cher cœur ; tu ne peux savoir combien elle m’est chère et combien je prie Dieu qu’il te rende en bonheur, à toi et à toute ta chère maison, cette amoureuse bénie que tu me fais d’une parcelle de ton affection fraternelle.
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Je sais que Léon ne poste de l’intérêt, mais je pense que souvent il perd la bonne occasion en laissant passer le temps opportun. Maintenant, il faut agir et voici pourquoi :
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1° Pour ce qui est de la réponse de M. de Brazza, elle a dû arriver par le courrier qui est arrivé à Bordeaux le 6 ou le 7 du mois courant. Cette réponse ne concernait d’ailleurs que la nomination à la 1ère classe et n’a rien à voir avec mon changement de Colonie, qui dépend uniquement de M. Etienne. De là on attend ; voici ce que va se passer :
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2° M. de Chavannes a quitté hier soir Marseille par le Sénégal pour Libreville. M. de Brazza va donc rentrer incessamment en France ; il y sera, j’en suis convaincu, à la fin du mois prochain.
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Vous voyez que je suis bien renseigné. Or, M. de Brazza s’opposera de toutes ses forces à ce que l’on m’enlève du Congo français. De cela je suis certain. C’est très flatteur, mais c’est très égoïste. J’avoue, quant à moi, que j’en ai assez de cette Colonie, et que je dois mettre tout en œuvre pour en sortir.
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3° La conclusion, c’est qu’il faut que je sois attaché à une Colonie sainement, pendant le moment où il y a en France, ni M. de Chavannes qui ne m’aime pas, ni M. de Brazza qui m’aime trop à sa façon.
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4° La chose précise à obtenir, c’est celle que j’ai demandée à M. Etienne par lettre du 24 juin dernier : être désigné pour une des Colonies suivantes : Établissements français de l’Inde, Dépendances de la Colonie de Tahiti, Nouvelle-Calédonie. Dans tous les cas, une Colonie saine.
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Je crois que tout cela est très clair, et très réfléchi, sans emballement. Puisque M. Etienne n’a pas encore répondu à ma demande, il serait naturel que le sens de cette demande que j’expose au paragraphe précédent fût soutenu énergiquement dès maintenant. Autrement, tel que je connais de Brazza, il mettra en parallèle ma nomination en 1ère classe et mon attachement définitif à sa Colonie : or, je le répète, j’en ai assez.
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Il se peut d’ailleurs que M. de Brazza ait envoyé une réponse favorable à ma nomination à la 1ère classe, mais je ne puis le savoir. Seul, le Chef du Cabinet de M. Etienne le sait, mais on a l’air rarement pressé dans cette bonne administration centrale ; tu te rappelles combien de temps j’ai attendu ma prolongation de congé !
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Dans tous les cas, et surtout si je veux sérieusement penser à me marier en France, il est nécessaire que mon rattachement à une Colonie saine soit chose faite. Tant que je serai Congolais, je ne suis de nulle part : cela est absolument indiscutable.
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Dans ma lettre précédente, je disais que tout ce que j’avais souffert n’avait pas été connu de qui de droit. Je le répète ici. J’ajoute que je reste toujours dans cette situation que certains trouveraient quelque peu digne sinon unique. De toute cette campagne, il ressort pour moi une diminution de solde de 1000 f, et, comme assimilation hiérarchique, je suis dans la même situation qu’au 1er décembre 1888, jour de ma nomination au grade de secrétaire particulier de M. de Brazza : voilà la reconnaissance du travail donné, elle est à toucher du doigt.
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Je ne serais pas fâché que mon cher cousin Léon lût cette lettre ; il comprendrait sûrement que je ne sois pas gai à certaines heures. Il souhaite beaucoup pour moi de ces heures, hélas ! car je suis très seul.
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« Time is money », je conclus ainsi, et je me recommande à votre bonne amitié, en vous embrassant tous de tout mon cœur. Bonjour à ces dames et à tous nos parents.
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Votre dévoué,
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Jules Greslou
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